Des abeilles pour les mamans de l’Ecole du Bayon
Lancé en 2021 par l’Unesco et Guerlain, le programme Women for Bees, dont la marraine est Angelina Jolie, a pour but de promouvoir l’apiculture à travers le monde tout en renforçant le rôle des femmes au sein de leur communauté.
Avant d’avoir une dimension sociale, le programme est principalement axé sur la protection et le repeuplement des abeilles, responsables de 90% de la pollinisation des fleurs sauvages à travers le monde. Aujourd’hui menacées par le dérèglement climatique, l’UNESCO prévoit d’installer 2500 ruches dans 25 réserves de biosphère à travers le monde : en France, en Italie, en Bulgarie, en Slovénie, en Russie, en Ethiopie, au Rwanda, en Chine ainsi qu’au Cambodge. En effet, la région du Tonlé Sap constitue une des plus grandes réserves de biosphère actuelles et la majestueuse forêt entourant les temples d’Angkor un lieu propice à leur développement.
L’initiative vise à étudier les bénéfices de la pollinisation tout en mettant les femmes au cœur de l’action. Métier majoritairement masculin, le programme Women for Bees, Des Femmes pour des Abeilles en français, encourage les femmes à être des « conceptrices du changement » en devenant apicultrices. La formation se déroule sur plusieurs semaines et consiste à enseigner à ces femmes les techniques d’une apiculture durable, les encourageant ainsi à apprendre et devenir de vraies expertes dans le domaine, avant de pouvoir étendre leurs connaissances à d’autres.
Au Cambodge, l’enjeu est de protéger les abeilles sauvages du pays, regroupant 4 espèces au total, là où en France qu’une seule espèce existe. Eric Guérin, biologiste français et spécialiste de la conservation des abeilles sauvages d’Asie et de l’apiculture durable, est en charge du programme à Siem Reap et forme 6 femmes au métier d’apicultrice, en travaillant avec l’une des espèces d’abeilles asiatiques qui existe ici, « l’apis cerana ». Sur ces 6 femmes, 4 sont des mamans dont les enfants sont à l’Ecole du Bayon.
« Au-delà de l’apprentissage de compétences techniques, cette formation est l’opportunité pour elles de s’émanciper, par la prise de conscience qu’elles sont finalement capables de le faire. Toutes, la première fois, et comme souvent au Cambodge parmi les populations les plus défavorisées et notamment les femmes, répondent qu’elles ne sauront pas faire, ou qu’elles n’ont pas les moyens d’apprendre. Et finalement, elles ont été elles-mêmes surprises de leur capacité à se former sur le sujet. » explique Eric, qui travaille avec elles chaque semaine sur le terrain.
Situées dans l’enceinte des temples d’Angkor, ces futures apicultrices sont toutes issues d’un milieu défavorisé, critère de sélection pour faire partie du projet : si l’objectif numéro 1 est de préserver les abeilles, symbole fragile d’une planète abimée par le dérèglement climatique, l’objectif numéro 2, tout aussi important, est de renforcer les compétences des femmes à travers le monde en les incluant dans la préservation d’un environnement durable.
Eric explique qu’au cours des semaines, elles se sont transformées : « les femmes que j’ai aujourd’hui en face de moi ne sont pas les mêmes qu’il y a 4 mois. Elles ont gagné en assurance, s’expriment librement, donnent leur opinion. Leur transformation est remarquable, tout comme leur envie d’apprendre. »
Elles ont, plus que d’autres, un rôle important à jouer, notamment lorsque l’on sait qu’elles sont les premières impactées par le réchauffement climatique à travers le monde (PNUD), et que les conséquences de ces dérèglements entraînent des inégalités indirectement liées aux questions de genre et d’oppressions sociales auxquelles les femmes du monde entier font face aujourd’hui (Nations Unies).
A l’issue de la formation donnée par Eric Guérin, nos apicultrices en herbe travailleront conjointement avec certains guides des temples d’Angkor pour proposer aux touristes une visite de leurs ruches et une séance de sensibilisation à la préservation des abeilles à travers le monde. Cette activité leur permettra également de pouvoir générer un revenu complémentaire à leurs activités quotidiennes, améliorant ainsi leurs conditions de vie actuelles.
« La visite des ruchers par les touristes sera très importante, car cela permettra à ces femmes de voir que ce qu’elles font intéresse des gens du monde entier, qu’elles ont des choses à apporter et que ce qu’elles maîtrisent maintenant, peu de gens savent le faire également. »
Angelina Jolie est notamment venue leur rendre visite récemment, sur leurs terrains, pour les encourager et constater les progrès. C’est une chance inouïe pour elles de s’affirmer et de prendre confiance en elles, au sein de leurs communautés.
C’est également l’occasion pour ces femmes de partager leurs connaissances aux jeunes et moins jeunes de l’Ecole du Bayon qui les entourent et d’aider ainsi les autres à s’élever autour d’elles.
Écrit par Pénélope Hubert, responsable de la communication à l’Ecole du Bayon.