Juillet 2021. Le début d’une belle réflexion
Bien assise au frais dans la voiture familiale, je regarde les paysages de France défiler à toute allure. En observant ces déformations colorées, je me demande comment mieux connaître ces paysages et les habitants qui les peuplent.
Ce jour-là, je décide d’apprendre à prendre le temps de découvrir des pays proches de chez moi et dont je ne connais presque rien. D’apprendre à m’immerger dans la beauté d’un paysage que je découvrirais à mon rythme, à me laisser surprendre par des rencontres honnêtes, riches, et étonnantes.
Je vois dans la découverte et la rencontre de l’inconnu un terreau pour faire fructifier l’écoute, la tolérance, la paix. Je crois que découvrir d’autres réalités nous sensibilise aux besoins d’autrui. Cela réveille en moi mon envie de m’engager dans des initiatives sociales et de soutenir les questions liées à l’inégalité des genres. Pour cette raison, je décide alors de partir 3 mois, seule, pédaler à travers l’Europe, en portant le long de cette route un projet solidaire.
Sensible à la condition de la femme autour du monde, je voulais que ce projet soit l’opportunité non seulement de discuter de, mais aussi de soutenir l’éducation des femmes à travers une organisation qui me tenait à cœur: l’École du Bayon. Cette ONG cambodgienne, dont la mission est d’offrir une éducation de qualité aux enfants issus des régions défavorisées du nord du pays, m’a toujours inspirée. Elle a ouvert en 2014 une école de pâtisserie dédiée aux jeunes filles. Ce programme leur donne l’opportunité de s’émanciper grâce à un travail, et les clés nécessaires pour construire leur avenir. L’éducation étant pour moi le premier pas vers un monde plus juste, j’ai décidé de pédaler pour elles, et de collecter suffisamment de fonds pour financer une année d’étude à l’école de pâtisserie et boulangerie, soit 2500 €.
10 septembre. Le départ a sonné.
5h du matin. Seule sur le quai du train. L’aventure commence, accompagnée de mon vélo et de mes quatre sacoches. Ce jour-là, je me répète le proverbe « que ceux qui pensent que c’est impossible laisse faire ceux qui ont envie d’essayer. » Avec ce premier coup de pédale, je me rapproche déjà de « l’impossible » que je recherche : la liberté, le contact humain, l’échange et la simplicité.
Ce voyage m’a autant secouée, bouleversée, que transformée, pour plusieurs raisons :
1. Voyager seule
La liberté est bien souvent quelque chose que l’on prend, plutôt que quelque chose que l’on nous donne. Être libre de choisir ce qui est bon pour nous c’est aussi apprendre à s’écouter. Voyager seule était aussi pour moi synonyme d’être entourée, partout où j’allais. Chaque journée prenait la couleur des multiples rencontres faites le long du chemin. J’ai beaucoup appris de cette diversité de personnalités : artistes, sportifs, étudiants, ou voyageurs. Chacune de ces rencontres m’a enrichie et a étendu un peu plus mon univers.
2. Voyager à vélo
Ne connaissant rien de ce qu’on appelle le « cyclotourisme » ni même du fonctionnement basique d’un vélo (j’ai appris à fermer correctement mes sacoches au bout d’un mois et demi), j’ai tout appris « sur le tas, » glanant des informations au fil de mes aventures. Mais j’ai surtout appris qu’à chaque problème existe une solution, et que si je ne peux la trouver par moi-même, je trouverais toujours une aide bienveillante sur mon chemin. Voyager à vélo c’est aussi redécouvrir les distances en comptant les kilomètres, garder patience lors d’une montée interminable et savourer chaque petite victoire ou récompense.
3. Être une femme en voyage
Au cours du voyage, j’ai souvent eu la sensation de devoir me battre deux fois plus, du fait de mon genre : contre les préjugés, contre une vulnérabilité additionnelle, contre mes propres peurs et inquiétudes.
D’un autre côté, être une femme a facilité les contacts et la confiance que l’on m’a accordée.
Je me suis ainsi confrontée dans toute sa puissance à la condition d’être une femme, en Europe, tout en soutenant l’indépendance d’une cambodgienne à des milliers de kilomètres de moi.
Tout au long de ce voyage j’ai demandé autour de moi ce que chacun pensait être le plus essentiel pour améliorer l’égalité des genres. Une grande majorité m’a répondu l’éducation, faisant ainsi écho à la mission de l’École du Bayon, à la raison de mon voyage et à celle de mon engagement. J’avais la sensation de soutenir un débat constructif et de voir apparaître un consensus : que l’éducation est la clé du progrès social, mais aussi qu’il est important de prendre conscience que cette clé n’est pas encore universelle. Qu’il est important de porter ces projets pour leur donner de la voix.
20 décembre. La fin de beau périple.
Devant moi, l’acropole d’Athènes. Derrière moi, les quelques 5000 km que je viens de parcourir. Outre la satisfaction d’avoir réussi à traverser six pays aux cultures diverses, la surprise d’avoir atteint 200% de notre objectif, et donc 5000€, m’a comblée de joie. Pouvoir financer l’intégralité des études de 2 jeunes filles m’a prouvé qu’en osant l’impossible, on peut contribuer à rendre les rêves d’égalité plus proches de la réalité.
Aujourd’hui, si cette aventure à vélo se termine, elle m’aura ouvert un champ d’opportunités que j’ai hâte de saisir. Elle m’aura donné les ressources essentielles pour continuer d’explorer ce cheminement personnel et poursuivre mon engagement pour les droits humains, notamment celui des femmes.