Laurane a été en stage à l’école d’agroécologie du Bayon de mars à août 2021. Bien que la situation sanitaire ait été difficile en cette période, elle revient avec ses mots sur ce qu’elle a appris au sein de l’Ecole du Bayon, et les souvenirs qu’elle emporte avec elle en France.
Quelle avait été ta première démarche en venant ici, le but ?
Je suis arrivée au Cambodge en mars 2021 pour un stage/volontariat de 6 mois durant mon année de césure en école d’ingénieur agronome, à l’ENSAT (Toulouse). Ma mère travaille depuis plus de 15 ans dans l’association franco-cambodgienne « Pour un Sourire d’Enfant » et se rend au Cambodge tous les ans. Depuis toute petite, j’ai beaucoup entendu parler de ce pays à l’autre bout du monde, qui me semblait très proche mais dont les médias parlent peu. Je suis très sensible à la situation sociale du Cambodge et à son histoire. Je pense qu’il est essentiel de donner les outils à chaque population pour réussir à s’orienter vers une alimentation durable, solidaire et autosuffisante.
En venant ici, je recherchais la possibilité d’aider et d’accompagner concrètement sur le terrain des femmes et des familles afin qu’elles deviennent autonomes et indépendantes grâce au maraîchage et à l’agroécologie. Je suis convaincue que l’agroécologie est un levier pour faire face au changement climatique et aux problèmes sociaux liés à l’alimentation et à la santé, trop souvent présents dans les pays en voie de développement.
Quel a été ton rôle durant ces 6 mois ?
L’arrivée du Covid au Cambodge a rendu la période quelque peu compliquée, les confinements et quarantaines nous empêchant de rendre visite aux farmers, d’assurer un suivi régulier des fermes et la mise en place des distributions de légumes aux familles bénéficiaires. Ces 6 derniers mois ont donc été plutôt hachurés, mais j’ai pu apporter mon soutien à l’équipe Green Farming, notamment sur les questions d’analyses des problèmes rencontrés par les farmers et l’équipe, les enjeux de commercialisation des légumes, de leur production en agriculture biologique ainsi que les difficultés rencontrées face aux maladies et ravageurs présents dans les jardins-potagers.
J’ai travaillé conjointement avec Theary, une élève de l’école d’agroécologie du Bayon en stage au sein de l’équipe Green Farming, qui a été très inspirante et a su appliquer ses connaissances techniques et théoriques directement auprès des farmers !
J’ai également accompagné 3 étudiants de l’école d’agroécologie du Bayon partis en stage au Sud du Cambodge, chez notre partenaire Fair Farms. J’ai pu participer avec eux sur le terrain à un projet d’installation de couvert végétal sur une ferme de poivre, et également à un projet plus orienté sur la protection de l’environnement et sur la reforestation de 5 hectares dégradés afin de créer un milieu stable favorable aux abeilles et comprenant des ressources mellifères (qui produisent du miel) tout au long de l’année.
Qu’as-tu appris d’un point de vue professionnel et personnel ?
Durant ces 6 mois, j’ai beaucoup appris sur l’agriculture tropicale et les questions liées à la nouvelle saisonnalité: la saison sèche et la saison des pluies durent chacune 6 mois, et comprennent divers challenges. Durant la saison sèche, il faut réussir à irriguer de manière raisonnée les cultures pour éviter le développement de maladies, et créer des nouveaux abris pour protéger les cultures du soleil. Durant la saison des pluies, une partie des champs sont inondés et les maladies et ravageurs se développent très vite, il est donc important de développer de nouvelles techniques pour préserver les cultures.
Il y a au sein du projet de l’Ecole du Bayon de nombreux challenges à comprendre pour pouvoir plus tard transmettre ces outils et ainsi aider d’autres familles bénéficiaires du Bayon.
J’ai également appris sur la création et la gestion d’une école d’agroécologie dans un pays en voie de développement pour lequel l’agriculture est souvent synonyme de pauvreté et d’échec social. J’ai pu voir les rouages du fonctionnement d’une association, et la force de ses membres pour réussir à suivre du mieux possible les enfants et bénéficiaires de l’ONG, et ce même dans le contexte sanitaire actuel. J’ai rencontré de nombreux acteurs et pionniers de l’agroécologie au Cambodge, tous très inspirants au quotidien.
D’un point de vue personnel, j’ai appris à parler khmer grâce à mes collègues et j’ai pu découvrir leur culture au sein des familles, dans un cadre plus intime et personnel qu’à l’Ecole du Bayon.
Qu’as-tu constaté face à la crise sanitaire, que peux-tu dire de l’impact qu’elle a sur les farmers et leurs familles ?
« L’évènement communautaire du 20 février 2021 » a chamboulé le quotidien des khmers. Le Cambodge avait réussi à freiner et contrôler le nombre de cas sur son territoire en sacrifiant l’économie du tourisme et en fermant ses frontières aux visas touristiques depuis mars 2020. Les familles du Bayon habitant dans les temples ont de nombreux emplois liés au tourisme et j’ai pu constater un très grand élan de solidarité au sein des familles, avec le retour des frères, des sœurs, et des enfants partis travailler loin des temples. Les farmers ont pu avoir une plus grande main d’œuvre pour travailler avec elles dans leurs jardins, mais elles ont également eu plus de bouches à nourrir, ce qui représente une plus grande charge de travail. Leurs familles se sont intéressées au projet et c’était très motivant de travailler avec eux et leur expliquer la base des principes agroécologiques !
Quelles leçons peux-tu tirer de ce contexte d’apprentissage si particulier ?
Il est très important d’avoir une bonne communication au sein des équipes pour pouvoir s’épauler et trouver des solutions ensemble. Que ce soit au sein de l’équipe Green Farming, mais également avec l’équipe sociale avec qui nous travaillons conjointement pour la distribution des légumes aux familles bénéficiaires. C’est dans ce type de situation de crise que l’on peut observer la résilience d’un projet et d’une équipe, et améliorer certains points pour mieux appréhender ces difficultés.
Que retiens-tu de cette expérience ?
Au-delà de l’agriculture et l’agroécologie comme levier d’autonomisation d’un pays, c’est l’éducation des générations futures qui pourra aider au développement du Cambodge. Les membres des bureaux du Bayon sont majoritairement issus de programmes d’aide à l’éducation, et donnent à leur tour aux enfants défavorisés des temples d’Angkor. J’espère que les campagnes de vaccination du Cambodge vont permettre rapidement une réouverture des écoles afin que les enfants puissent retourner étudier.
Je remercie mes collègues Theary, Chorvin, Sreyleak, Sakoth pour leur accueil, la transmission de leurs connaissances et les sourires que j’ai reçu. Je repars en France en me souvenant des farmers, de leurs rires, de la fierté qu’elles ont à produire ces légumes et à subvenir aux besoins de leurs familles. Je retiendrai notamment le courage et la force de ces femmes âgées qui travaillent souvent seules et qui ont pu retrouver leur dignité et leur joie grâce à l’acquisition de ces nouvelles connaissances en agriculture. Les meilleurs moments de la semaine, c’était toujours lors de la visite de leurs jardins et pendant la distribution de légumes. C’est un plaisir de les voir épanouies, s’échanger leurs conseils et admirer les légumes des unes et des autres !
Je souhaite bonne chance à Marie, la nouvelle stagiaire de l’équipe Green Farming, qui aura la chance d’être la nouvelle interlocutrice des farmers !
Si tu devais résumer ton expérience ici en 3 mots ?
Gratitude, Challenge et Autonomie. Et Morning Glory !